Renseignements généraux

Historique de l'Égyptologie à l'Université de Liège

L’égyptologie belge est née à Liège voici maintenant plus d’un siècle, en 1902. Ses débuts sont fort modestes : Jean Capart se voit confier un cours libre tout simplement intitulé Égyptologie, lequel ne donne accès à l’octroi d’aucun diplôme. L’enseignement de l’égyptologie commencera cependant à s’étoffer peu après avec l’instauration en 1903 des diplômes de candidat, licencié et docteur en Histoire de l’art et archéologie. Cependant, un cadre d’enseignement pour la philologie et la civilisation au sens large faisait encore défaut. Il faudra attendre 1922 pour que soient institués les grades de candidat, licencié et docteur en histoire et littératures orientales. Simultanément, un second Arrêté Royal décida de la création d’un Institut supérieur d’Histoire et de Littératures orientales. Celui-ci se voulait néanmoins davantage un centre de recherche qu’une école d’enseignement.

Dans l’ensemble, la structure des enseignements restera stable très longtemps : les orientalistes sont tenus de suivre les cours d’histoire de l’art qui se rattachent à leur langue d’étude principale, ce qui leur permet d’acquérir une formation complète. Les titulaires successifs de la chaire d’égyptologie ont donc pendant longtemps enseigné les deux domaines, à la fois la philologie et l’histoire de l’art. Ce n’est qu’en 2005 que la situation a été revue, ainsi que nous le verrons plus loin.

Le premier titulaire de la chaire d’égyptologie fut donc Jean Capart (1877-1947). Conservateur aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (MRAH), il était avant tout un historien de l’art, doublé d’un homme de terrain, et auteur de très nombreuses publications archéologiques de référence (1). Il participa à diverses campagnes de fouilles et assura en 1905 le transport du mastaba de Neferirtenef, don fait à la Belgique par G. Maspero, alors directeur général du Service des Antiquités. La publication du monument sera effectuée par son successeur à Liège, B. van de Walle (2). Jean Capart obtient également en 1937 la concession d’El-Kab, en Haute-Égypte, dont la FERE (3) et les MRAH sont encore aujourd’hui chargés de l’étude.

En 1928, Capart commence progressivement à remettre ses charges d’enseignement à l’Université de Liège à un de des disciples, Baudouin van de Walle.

Si les préférences de Capart s’orientaient plutôt vers l’histoire de l’art, van de Walle, quant à lui, se révèle un philologue méticuleux, au caractère aussi discret qu’était expansif celui de son prédécesseur (4). Il est notamment l’auteur d’un ouvrage très novateur pour l’époque traitant de la transmission des textes littéraires (5). Outre ses nombreuses publications, B. van de Walle est aussi un grand voyageur et un passionné de philologie classique, comme en témoignent sa  traduction et son commentaire des Hieroglyphica d’Horapollon qu’il réalisa avec J. Vergote (6).

C’est le dernier disciple de B. van de Walle, Michel Malaise, qui lui succéda à la chaire d’égyptologie. Il fut nommé professeur en 1979 et enrichit les enseignements de son maître d’une formation au néo-égyptien et d’une introduction aux débats en cours sur la grammaire égyptienne. Il proposa également une initiation au ptolémaïque, à la demande notamment d’un de ses disciples, Pierre Koemoth, qui mit cet enseignement à profit dans ses études sur la religion tardive (7), un intérêt qu’il partage d’ailleurs avec M. Malaise lui-même.

En effet, c’est à ce domaine de l’Égypte  tardive que ce dernier avait choisi de consacrer sa thèse de doctorat (8). M. Malaise est également l’auteur d’un nombre abondant de publications sur divers aspects du monde isiaque (9), alliant à la fois ses connaissances d’égyptologue et d’historien de l’Antiquité classique. Ses travaux ont également permis d’enrichir les connaissances sur la langue égyptienne. Son œuvre principale en ce domaine étant sans doute la Grammaire raisonnée de l’égyptien classique, parue à Liège en 1999 et réalisée avec Jean Winand. Destinée à la fois à la recherche et à l’enseignement, cette grammaire constitue un ouvrage de référence dans les milieux académiques francophones.

L’ Institut supérieur d’Histoire et de Littératures orientales avait été intégré à la Faculté de Philosophie et Lettres en 1970. Suite à la réforme de 1989 visant à la création de départements au sein des Facultés, la section d’Histoire et de Littératures orientales fut réunie à la section de Philologie classique pour former le Département des Sciences de l’Antiquité. La section d’Histoire de l’art et archéologie rejoignit quant à elle la section d’Histoire au sein du nouveau département des Sciences historiques. Cette situation demeure aujourd’hui d’actualité.

Pendant plus de soixante ans, la structure des enseignements d’orientalisme est demeurée très stable : nul ne pouvait être proclamé candidat en Histoire et littératures orientales sans être au préalable porteur d’un titre de candidat dans une section de la Faculté de Philosophie et Lettres (initialement un diplôme de candidat en histoire ou en philologie classique). C’est seulement en 1988 qu’une candidature autonome et complète fut créée, en gardant toutefois l’ancienne filière complémentaire. Les récentes réformes de l’enseignement universitaire ont modifié en profondeur la structure des études, remplaçant les grades de candidat et de licencié par un cycle en trois ans de bachelier suivi d’un cycle de maîtrise (1 + 1 an).

Né en 1962, Jean Winand succède à M. Malaise en 2005, après une longue carrière au FNRS en tant que chercheur qualifié, puis en tant que maître de recherche. Doublement licencié en philologie classique et en orientalisme, il a ensuite complété sa formation égyptologique en suivant les enseignements de J. Quaegebeur à la KUL et de P. Vernus à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris, où il s’est spécialisé dans l’étude de la langue égyptienne. Le néo-égyptien retint alors tout particulièrement son attention et il consacra sa thèse de doctorat à la morphologie verbale dans cet état de langue (10). Il est l’auteur de nombreuses contributions, touchant principalement à différents domaines de la grammaire et de la linguistique égyptiennes. En 2006, il publie sa thèse d’agrégation qui propose un nouveau paradigme explicatif du fonctionnement du temps et de l’aspect en égyptien ancien (11). J. Winand a également travaillé sur le terrain en Égypte  puisqu’il a participé à deux campagnes de relevés épigraphiques en collaboration avec le Centre Franco-égyptien pour l’étude des temples de Karnak, ce qui a donné lieu à la publication de deux inscriptions oraculaires gravées sur le viie et le xe pylône (12).

Au fil du temps, la discipline égyptologique n’a cessé de se spécialiser, ce qui a conduit à envisager un partage des enseignements. J. Winand a repris la charge de M. Malaise au sein de la filière Langues et Littératures orientales, tandis que les cours d’Histoire de l’art et archéologie ont été confiés à Dimitri Laboury, maître de recherche du FNRS. Le cours de Religion égyptienne est, quant à lui, dispensé depuis 2003 par P. Koemoth. L’organisation de la maîtrise a permis de mettre l’accent sur ce qui fait la spécificité de la chaire d’égyptologie de Liège, son statut de centre d’excellence dans l’étude de la langue égyptienne. Cela se traduit par la création d’un cours de Travaux philologiques sur la langue égyptienne, d’un cours de Questions approfondies de linguistique égyptienne et, tout récemment, d’un cours de Diachronie de la langue égyptienne. Depuis 2009-2010, Jean Winand donne également un cours à l’Université Libre de Bruxelles.

Le service d’égyptologie comprend actuellement de nombreux membres, engagés pour la plupart dans la rédaction d’une thèse de doctorat. Parmi eux, Stéphane Polis, docteur depuis 2009, chargé de recherche au FNRS et auteur d’une thèse sur la modalité en néo-égyptien (13), un thème tout à fait novateur dans la discipline, seconde avec talent Jean Winand dans la direction des projets de recherche et dans les activités d’enseignement.

Dimitri Laboury, maître de recherche FNRS, administrativement rattaché au département des Sciences historiques, est en charge des enseignements d’histoire de l’art et d’archéologie. Né en 1969, il est licencié en Histoire de l’art et archéologie ainsi qu’en Langues et Littératures orientales. Ses centres d’intérêt se sont cependant vite concentrés sur l’art, perçu comme une matérialisation de la pensée. Dès ses premiers travaux, il a orienté ses recherches vers la compréhension du langage de l’image pharaonique, dans une perspective d’histoire de la pensée et d’histoire culturelle, cherchant à mettre en relation système de représentation plastique et système de représentation mentale du réel. Il  a consacré sa thèse de doctorat à la statuaire de Thoutmosis III, se penchant ainsi sur la problématique du portrait royal dans l’Égypte antique.

D. Laboury a également mené diverses activités de terrain en Égypte : tout d’abord à Tanis avec le professeur Roland Tefnin (ULB), dont il fut le collaborateur scientifique dès la fin de ses études, puis à Karnak, à Gourna, toujours avec le professseur R. Tefnin, et, depuis 2003, à Amarna, au sein de l’équipe de Barry J. Kemp, de l’Université de Cambridge. Il est actuellement responsable, avec Laurent Bavay, d’une mission archéologique dans la nécropole thébaine (MANT).

Enfin, il convient également de citer encore Pierre Koemoth ainsi que Richard Veymiers, chargé de recherche FNRS au service d’histoire de l’art et archéologie de l’antiquité gréco-romaine et auteur d’une thèse de doctorat sur Sérapis (14), en qui M. Malaise a trouvé un continuateur de son œuvre dans le domaine des cultes isiaques.

En outre, travaillent actuellement dans le domaine égyptologique à Liège neuf doctorants, ainsi que deux  post-doc et deux collaborateurs scientifiques, Eitan Grossmann et Pierre Koemoth. Les projets de recherche des membres du service sont disponibles sur le site via la page « projets de recherches individuels ».

En 2005, le service a lancé un projet international intitulé Dictionnaire linguistique de l’égyptien ancien (DLEA). En outre, ses membres travaillent depuis 2007 à la réalisation d’un corpus informatisé annoté du néo-égyptien (projet Ramsès (15)). Ce projet  a permis d’engager directement cinq collaborateurs scientifiques pour une durée de cinq ans. Un dictionnaire de moyen égyptien se trouve également actuellement en cours d’élaboration.
Notes
(1) Voir notamment: Recueil de monuments égyptiens, Bruxelles, 1902 et 1905; Leçons sur l’art égyptien, Liège, 1920; L’art égyptien. Etudes et histoire, Bruxelles, 1924; L’art égyptien. Choix de documents, Bruxelles, 1909-1947; Thèbes, la gloire d’un passé, Bruxelles, 1925; Documents pour servir à l’étude de l’art, Paris, 1927 et 1931; Memphis, à l’ombre des pyramides, Bruxelles, 1930.
(2) La chapelle funéraire de Neferirtenef, Bruxelles, 1978.
(3) Fondation Egyptologique Reine Elisabeth, devenue aujourd’hui l’Association Egyptologique Reine Elisabeth.
(4) La personnalité haute en couleurs de J. Capart a d’ailleurs inspiré des auteurs tels qu’Hergé qui a donné ses traits à Hippolyte Bergamote dans Les 7 Boules de Cristal ou encore E.P. Jacobs qui s’en inspirera pour son Dr. Grossgrabenstein dans Le Mystère de la Grande Pyramide.
(5) La transmission des textes littéraires égyptiens, Bruxelles, 1948.
(6) Chronique d’Egypte, 18 (1943), p. 38-39, 199-239 et 22 (1947), p. 251-259.
(7) Voir notamment: Osiris et les arbres, contribution à l’étude des arbres sacrés de l’Egypte ancienne, 1994.
(8) Inventaire préliminaire des documents égyptiens découverts en Italie, Leyde, 1972 (= EPRO 21), et Les conditions de pénétration et de diffusion des cultes égyptiens en Italie, Leyde, 1972 (= EPRO, 22).
(9) Voir notamment: Pour une terminologie et une analyse des cultes isiaques, Bruxelles, 2005.
(10) Etudes de néo-égyptien, I. La morphologie verbale, Liège, 1992 (= Aegyptiaca Leodiensia, 2).
(11) Temps et Aspect en ancien égyptien. Une approche sémantique, Leyde-Boston, 2006 (= PdÄ 25).
(12) Les décrets oraculaires pris en l’honneur d’Hénouttaouy et de Maâtkarê (Xe et VIIe pylônes), dans Cahiers de Karnak, 11, 2003, p. 603-710.
(13) Etude de la modalité en néo-égyptien, 2009, à paraître dans la série Probleme der Ägyptologie
(14) Ἴλεως τῷ φορουντι: Sérapis sur les gemmes et les bijoux antiques, 2009.
(15) Cf . page du projet Ramsès : http://www.egypto.ulg.ac.be/Ramses.htm